Prix Renaudot : Daniel Pennac, Chagrin d'école, éd. Gallimard, 19€

Publié le par elodie Ker

Le prix Renaudot 2007 nous ramène sur les chemins de l’école avec le livre de Daniel Pennac, Chagrin d’école publié chez Gallimard. Ancien cancre devenu professeur et auteur d’ouvrages tels que Au bonheur des ogres, La fée carabine, Les Enfants de Yalta, entre autres, l’homme revient avec émotion et tendresse sur son long passé scolaire. Pour cela, il n’utilise pas une logique chronologique. En effet, Chagrin d’école se divise en 6 grandes parties, 6 axes de réflexion, de pensée à l’intérieur desquelles se mêlent ses souvenirs d’élève à la marge du système et les images de ses élèves notamment ceux qu’il a tenté de « sauver » de la noyade. Sa souffrance de jeunesse rejoint celle de ces adolescents dont il a croisé le destin, assis en face de lui pendant une ou plusieurs années scolaires. Il semble les comprendre et la description qu’il fait d’eux sonne tout simplement juste. On se reconnaît dans ce qu’il dit (même quand on n’a pas été cancre). En le lisant, la passion pour son métier d’enseignant se ressent. Il l’aime comme il aime ses élèves. Au chapitre 10 de la partie II « Devenir », page 70 la manière dont il en parle nous le montre bien :       
Nos « mauvais élèves » (élèves réputés sans devenir) ne viennent jamais seuls à l’école. C’est un oignon qui entre dans la classe : quelques couches de chagrin, de peur, d’inquiétude, de rancœur, de colère, d’envies inassouvies, de renoncements furieux, accumulés sur fond de passé honteux, de présent menaçant, de futur condamné. Regardez, les voilà qui arrivent, leur corps en devenir et leur famille dans leur sac à dos. Le cours ne peut vraiment commencer qu’une fois le fardeau posé à terre et l’oignon épluché. Difficile d’expliquer cela, mais un seul regard suffit souvent, une parole bienveillante, un mot d’adulte confiant, clair et stable, pour dissoudre ces chagrins, alléger ces esprits, les installer dans un présent rigoureusement indicatif.
L’écriture de Daniel Pennac est imagée mais simple, communicante. L’auteur nous parle avec sa plume ; on l’entend. Le tout avec sincérité. Il nous fait revivre les moments forts de son existence à l’école en tant qu’élève dit en perdition et en tant que professeur habité par sa vocation, son envie de transmettre du savoir mais aussi et surtout de l’espoir. Les dialogues qu’il nous retranscrit comme s’il les entendait au moment de la rédaction nous donne l’impression de vivre la scène avec lui. Nous entrons également dans un conflit interne. Le vieux professeur retraité et sage, l’écrivain qui s’exprime sur sa vision du système scolaire et social se fait rattraper par la voix du cancre qui lui dit de modérer ses propos, le rappelle à l’ordre, le ramène à la réalité de ses angoisses d’élève. En bref, Daniel Pennac, avec Chagrin d’école, publié chez Gallimard, a bien mérité son prix Renaudot. Il s’agit effectivement d’un ouvrage aussi intelligent que touchant dont les mots marquent notre esprit et restent ancrés sur les pages de notre mémoire.                

Elodie, Emission du 14 janvier 2008

Publié dans lecturesdelatoile

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